Cercle vicieux de l'analyse du risque en social.

  • Posté par Hélène le 15 July 2017
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Tout le monde se plaint de l'épaisseur de notre code du travail français, mais n'en sommes-nous pas un peu responsables ?
 

Je vais m'appuyer sur 2 exemples : le temps partiel et les CDD.

Le temps partiel :

Il y a 30 ans, le droit du travail ne fixait pas d'obligations spécifiques sur ce type de contrat, modèle rêvé pour une femme avec des enfants en bas âge. Il était possible de travailler à mi-temps et de doubler son horaire hebdomadaire quand il y avait un surcroît temporaire de travail. Cela mettait du « beurre dans les épinards », l'essentiel étant que cette possibilité d'augmentation des horaires soit faite d'un commun accord. Chaque partie y trouvait son compte.

Mais, il y a eu abus de ce système par des entreprises peu scrupuleuses (notamment incitées par l'exonération de 50%, puis 30% des charges sur ce type de contrat) imposant des emplois à temps partiels à des salariés qui n'avaient pas les contraintes d'une jeune femme avec charge de famille.
Résultat : l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 exige un horaire hebdomadaire précis et détaillé, inscrit sur le contrat de travail, avec une limitation des heures complémentaires, sous peine de requalification à temps complet avec un rappel des heures entre le temps complet et les heures payées.

Pour contrer cette nouvelle obligation, l'entreprise va opter pour des avenants provisoires d'augmentation du temps de travail à tout va ou pour une soit-disant (car rédigée ou rectifiée a posteriori) annualisation des horaires.
Résultat : les lois n° 2013-504 du 14 juin 2013 et n° 2014-288 du 5 mars 2014 imposant les 24 heures hebdomadaires, une majoration des heures complémentaires et la limitation au recours des avenants.
 

L'usage de CDD sur des postes permanents :

Parce qu'ils ont vite réalisé que, fréquemment, le salarié se tenait bien docile durant la période d'essai et changeait d'attitude après celle-ci, et aussi pour se donner une durée plus longue pour étudier l'adéquation entre le poste et le salarié, les employeurs ont rapidement privilégié l'embauche par un CDD préliminaire. Ils avaient ainsi le sentiment de mieux dominer la situation. Alors, allons-y pour les faux ou vagues motifs de recours. Et puis, voila la bonne excuse : « tout le monde le fait ».

 

Pourquoi j'accuse l'analyse du risque ?

Un salarié, dans une situation illégale, ne peut que la subir ou la dénoncer en se présentant devant le conseil de prud'hommes. Mais cette action en justice peut avoir des conséquences négatives sur ses possibilités d'emploi futur et détruit toute velléité de pouvoir se maintenir dans l'emploi actuel, même si c'est un pis-aller.

Les entreprises ont donc pris l'habitude d'évaluer le risque prud'homal au même titre qu'un risque de dévaluation des stocks. L'humain est traité à l'égal d'un produit ou d'une matière première mais il y a une différence primordiale : il peut se rebiffer.

Ce risque augmente à la sortie du salarié, lors d'une rupture ou quand le CDD n'est ni renouvelé ni transformé en CDI. Mais même alors, il reste minime. En fait, très peu de salariés osent franchir le pas, soit par conscience de ne pas maîtriser suffisamment toutes les subtilités du droit du travail, soit parce que cette procédure est très longue et peut devenir coûteuse.

Le risque d'être condamné devant le conseil de prud'hommes est très vite de l'ordre de 50 000 € par salarié. Pour une TPE, ce risque est énorme alors que pour les grands groupes, il peut être considéré comme négligeable.

Faut-il en arriver à souhaiter que tous les salariés quittant des grandes entreprises les attaquent en justice pour que la loi cesse de dresser de nouvelles barrières ?

Une chose est sûre : qu'importe la politique sociale du voisin et les risques qu'il veut bien assumer, c'est l'avenir de votre entreprise si ce n'est le vôtre propre que vous mettez en jeu chaque fois que vous faites « comme le voisin ». Même si cela aggrave l'écart avec vos concurrents professionnels directs, ne vous laissez pas tenter par les dérives, du moins pas avant d'en avoir évalué les conséquences.

Et que Dieu vous garde de les sous-estimer.

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