Comment retenir les absences non rémunérées.

  • Posté par Hélène le 28 March 2016
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absence non autorisée

En pratique, car la loi est plutôt muette à ce sujet, il existe 3 méthodes de calcul de retenues d'absence. La jurisprudence préconise la méthode des heures réelles, méthode elle-même scindée en deux tendances : le noyau dur, appelé "heures cassation" qui tient compte du nombre d'heures réelles du mois considéré (qui neutralise la mensualisation de la rémunération mensuelle – voir mon article précédent sur la signification de la mensualisation – mais qui est difficilement compréhensible par le salarié) et une application assouplie appelée "heures moyennes".

Dans le cadre des modulations ou des forfaits en jours ou en heures, il faut avant tout se référer aux précisions de l'accord d'entreprise concerné ou de ce qu'a prévu la convention collective applicable. Pour ce qui est des cycles légaux sur 4 semaines, le raisonnement est identique au cas général mais il vaut mieux privilégier la méthode en heures.
 

Calcul en jours calendaires :

La première méthode, appliquée en général par le secteur public, est dite "en jours calendaires". Les heures mensuelles sont divisées par 30 et on retient autant de 30e que de jours calendaires d'absence.
Par exemple : un salarié travaille du lundi au vendredi pour 7 heures par jour, soit 151,67 heures mensuelles. Il est absent un lundi et on va lui retenir 1/30e de ses heures mensuelles, soit 5,06 heures. s'il avait été absent un vendredi, on lui aurait retenu 3 / 30 pour le vendredi, le samedi et le dimanche, soit 15,17 heures.

Cette méthode en trentième a l'avantage d'être simple mais n'est valable que si c'est la méthode utilisée dans tous les cas de figures pour établir les bulletins de paie. C'est un choix à faire quand on fait le tout premier bulletin de l'organisation. L'inconvénient est que cette méthode est refusée par le juge du tribunal de prud'hommes qui va recalculer les absences. Encore faut-il que le salarié aille contester en justice.
 

Calcul en jours ouvrables ou ouvrés :

La seconde méthode est dite "en jours", soit en "jours ouvrables" si le calcul se fait comme pour la méthode en trentième en neutralisant le jour de repos hebdomadaire, soit en "jours ouvrés" quand le travail s'effectue sur 5 jours par semaine.
Cette méthode est plus précise que celle en trentième. Un mois en jours ouvrables fait 26 jours (52 semaines X 6 jours / 12 mois). Si l'organisation fonctionne sur un cycle de 6 jours de travail de durée identique par semaine, cette méthode ne lèse pas le salarié et est acceptée par les prud'hommes car le décompte en heures aboutit à un résultat identique.

Mais le problème se pose quand le cycle de travail est sur 5 jours de travail par semaine ou que les heures journalières sont inégales. On peut opter alors, si les heures journalières sont identiques, pour un décompte en "jours ouvrés" mais 52 X 5 / 12 = 22 jours (21,67 arrondis), ce qui est plus favorable au salarié qu'à l'employeur.
En outre, cette méthode "en jours" doit aussi être choisie et utilisée de manière permanente pour l'établissement des bulletins.
 

Calcul en heures :

La troisième méthode est celle "en heures". Dans le secteur privée, c'est la plus utilisée. Sauf pour les 4 cas de salariés exclus de la loi de mensualisation du 19 janvier 1978, les heures mensuelles sont déterminées selon le calcul suivant : 52 semaines X 35 heures / 12 mois.

1) Retenues en "heures réelles moyennes" : on retient simplement les heures réelles qu'aurait dû travailler le salarié sur la période d'absence concernée. Cette méthode a l'avantage d'être très simple et de "coller" à la réalité de l'absence.
Exemple 1 : un salarié travaille du lundi au vendredi pour 7 heures par jour. Il est absent pour convenance personnelle ou de manière injustifiée du 16 au 18 mars 2016. On va donc lui retenir 3 X 7 heures, soit 21 heures.
Exemple 2 : un salarié à temps partiel travaille 5 heures le lundi, 8 heures le mercredi et 9 heures le vendredi et est absent un mercredi. On lui retient 8 heures.

Mais considérons maintenant un troisième exemple : un salarié travaillant 7 jours par semaine du lundi au vendredi est absent du 8 au 26 février 2016, soit 105 heures. Sur son bulletin de février, il y aura 46,67 heures de payer alors qu'en fait il n'aura réellement travaillé que 42 heures. Et si 2016 n'avait pas été une année bissextile, il n'aurait travaillé que 35 heures et toujours payé 46,67 heures.
Quelques salariés malins, principalement dans l'agriculture, en ont fait une combine systématique. L'employeur peut alors s'estimer lésé. Et les prud'hommes l'ont très bien compris.

2) Retenues en "heures réelles cassation" : pour lutter contre l'absentéisme de convenance, la jurisprudence préconise un décompte des heures réelles d'absence qui prend en compte le nombre d'heures théoriques du mois considéré. Mais la différence se situe non pas sur le nombre d'heures à retenir mais sur le taux horaire des heures d'absence.
Reprenons mon troisième exemple sur l'absence de février 2016. Ce salarié est rémunéré au SMIC, soit 1466,65€ pour 151,67 heures. Les heures de travail théoriques de février 2016 sont de 147 heures (4 X 35 heures + 7 heures). Le taux horaire d'absence pour ce salarié sera : 9 67 X 147 / 151,67 = 9,9772. Au lieu de percevoir 451,30€ brut (1466,65 - (9,67 X 105)), il ne percevra que 419,04€ brut (1466,65 - (9,9772 X 105)).

Cette méthode, neutralisant l'impact de la mensualisation pour une absence non autorisée est sans nul doute la plus juste et la plus équitable pour chaque partie. Le seul bémol est qu'elle est difficilement compréhensible par le salarié et s'avère très rigoureuse quand l'absence est involontaire et excusable sans pour cela être indemnisable. Et l'application informatique est plus complexe car ce choix va s'appliquer sur toutes les retenues, assimilées ou non.
Pour l'incidence de l'absence sur les heures supplémentaires, vous pouvez consulter mon précédent article.

Les exceptions légales :

1) Les salariés exclus de la loi de mensualisation : pour éviter la distorsion des mois longs et courts, principalement parce que les contrats saisonniers sont conclus sur les mois longs de juillet et août, la loi a choisi de les exclure du cas général et le décompte des heures de travail s'effectue toujours selon les heures réelles théoriques du mois considéré.
Exemple : un salarié saisonnier travaillant sur 6 jours pour 6 heures par jour est embauché du 22 février 2016 au 2 avril 2016. Sur son bulletin de salaire de février, il sera payé pour 42 heures au taux normal (35 au titre de la semaine du 22 au 28 février 2016 + 6 heures au titre du 29 février) + 1 heure supplémentaire à 125% pour la semaine complète du 22 au 28 février. Pour le mois de mars 2016 : 158 heures au taux normal (4 semaines X 35 heures - les 6 heures du 29 février + 4 X 6 heures du 28 au 31 mars) + 4 heures supplémentaires à 125% (4 X 1 heure pour les semaines complètes du 29 février au 27 mars). Pour le mois d'avril 2016, il aura 11 heures au taux normal (35 heures pour la semaine du 28 mars au 2 avril - les 24 heures déjà payées sur février 2016) + 1 heure supplémentaire (pour la semaine du 28 mars au 2 avril). S'il ne vient pas travailler le 2 avril, il n'y aura que 6 heures au taux normal sur le bulletin d'avril 2016.

Il est possible d'établir des bulletins de salaire sans tenir compte de cette exclusion sous réserve de recalculer rétroactivement toutes les heures et de solder le reliquat sur le bulletin de sortie. Mais cette solution n'est utile, à cause du risque d'erreurs amplifié, que s'il y a une possibilité d'embauche en CDI à la fin du contrat, ce qui est très rare.

2) En cas d'entrée ou de sortie de salarié : quand un salarié entre ou sort au cours du mois considéré, on raisonne comme pour les exclus de la loi de mensualisation et on décompte les heures à payer en regardant les heures réellement travaillées sur la période à rémunérer.
Attention au mauvais réflexe consistant à décompter la période d'absence si on choisit de faire apparaître sur le bulletin de salaire le total mensuel des heures et la rémunération prévus au contrat en constatant une absence pour entrée (ou pour sortie selon le cas). L'autre option de ne faire apparaître que les heures effectives pose le risque de perdre de la clarté et de valider le mois suivant un temps partiel à tort (c'est arrivé !)

3) Absence tout le mois : on retient les heures de manière à aboutir à 0 heure de travail et 0€ brut, quelle que soit la méthode qu s'applique dans l'organisation.

Dernière particularité : le plafond de sécurité sociale. Celui-ci est à surveiller ou à corriger en cas d'absence pour entrée/sortie ou en l'absence de toute rémunération sur un mois civil quel que soit le motif de l'absence, ainsi que sur le cas particulier des salariés en congés payés relevant d'une caisse extérieure.

  • Pour les entrées/sorties : le plafond est déterminé en 30e du nombre de jours calendaires correspondant à la durée du contrat sur le mois considéré.
    Exemple : pour mon saisonnier entré le 22 février 2016 : on valide 8 jours du plafond de sécurité sociale : 3218 X 8 / 30 pour février.
  • Pour une absence totale sans rémunération sur un mois civil, le plafond est neutralisé, soit 3218 X 0 / 30.
  • Pour les salariés en congés payés mais qui perçoivent directement l'indemnité de congé d'une caisse de congés payés externe à l'entreprise, l'employeur va juste passer une retenue d'heures d'absence CP. Pour éviter un dépassement de plafonds cumulés, puisque la caisse des CP va déclarer des bruts soumis à cotisations, il faut neutraliser l'absence CP sur le plafond de sécurité sociale du bulletin en retenant en 30e autant de jours calendaires que d'absence CP.
    Exemple : un salarié du bâtiment en CP du 14 au 19 mars à donc pris 6 jours de congés payés. Le plafond de sécurité sociale à valider pour le bulletin de mars sera 3218 X 7 / 30.

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