La paie pendant l'épidémie de Coronavirus.

  • Posté par Hélène le 5 April 2020
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Aujourd'hui, toutes les entreprises sont impactées par la crise sanitaire :

  • Quand l'entreprise peut continuer à travailler, l'employeur doit être très vigilant dans la mise en place des mesures de précaution pour ne pas mettre sa responsabilité en jeu dans le cadre des risques professionnels ;
  • Quand l'entreprise se trouve avec une baisse d'activité ou obligée de cesser toute activité, l'employeur doit mettre ses salariés en activité partielle (appelé "chômage partiel technique" jusqu'à sa réforme en 2013) par un chômage totale ou seulement une baisse d'horaire.
    • La décision de la mise au chômage de tout ou partie du personnel n'appartient qu'à l'employeur même s'il doit néanmoins aviser le Comité social et économique (l'instance qui remplace les délégués du personnel) quand celui-ci existe dans l'entreprise. Le salarié n'a pas voix au chapitre sur ce sujet. La mesure doit être collective mais se porter uniquement selon l'impact du taux d'activité sur les postes de travail. Par exemple, si 2 postes de travail sont identiques dans la production des tâches, vous ne pouvez pas mettre l'un en chômage total et garder l'autre en activité à 100%. Vous devez mettre les 2 postes à 50% d'activité.
    • Votre choix peut être provisoire selon les besoins et les circonstances.
    • Vous devez privilégier le télétravail s'il existe déjà ou le proposer à ceux des salariés dont l'emploi est compatible avec cette méthode de travail. S'il est envisageable, ce choix s'impose à tout autre et ne se cumule pas avec l'activité partielle, c'est-à-dire qu'un télétravailleur subissant une baisse d'activité de 50% peut être mis en activité partielle à 50% par son employeur mais non à 100%.

Les problèmes pour la gestion du personnel :

Sauf pour le personnel du secteur de la santé (y compris le personnel des pharmacies d'officine), pour qui il est prévu l'accès aux établissements scolaires ou aux crèches (ou la mise en place d'un accueil périscolaire par les municipalités) pour leurs enfants de moins de 16 ans, les salariés dont l'activité professionnelle est maintenue peuvent se trouver confronter à divers problèmes dès lors qu'ils ne fonctionnent pas en télétravail à 100%.
 

I) L'indisponibilité pour garder ses enfants :

Un salarié peut demander à son employeur (sous forme d'attestation sur l'honneur qu'il est le seul du ménage à demander un arrêt de travail pour la garde de ses enfants) l'autorisation de ne plus venir travailler pendant une période de 1 à 21 jours au maximum (cette durée d'indisponibilité, renouvelable tant que dure la fermeture officielle des écoles, est à préciser par le salarié).
L'employeur fait une déclaration sur le portail "declare.ameli.fr" ou sur le portail de "net-entreprises.fr" (à autres services, au même endroit que le service Topaze) en précisant impérativement le numéro de téléphone du salarié + le nom de l'école et le nom de la commune de cette école + le prénom d'un des enfants + la date de naissance de celui-ci.
Dès lors que cette déclaration est acceptée par la CPAM, le salarié percevra des IJSS dès le premier jour (pas d'application des 3 jours de carence) au tarif de la maladie et l'employeur complétera par un maintien de salaire sans délai de carence également selon le tarif prévu par sa convention collective, sinon le droit du travail sous réserve que le salarié ait une ancienneté d'au minimum un an.
 

II) La mise en activité partielle :

La demande, obligatoirement dématérialisée, est à faire soit directement par l'entreprise soit en demandant à son expert-comptable de s'en charger. Ensuite, il faudra établir une demande d'indemnisation mensuelle détaillant les heures travaillées et les heures perdues, semaine par semaine. D'ores et déjà, il faut renseigner le nom et prénom du salarié + son numéro de sécurité sociale + sa catégorie socio-professionnelle + l'aménagement de travail dont il relève (par semaine ou par cycle ou par mois, etc) + sa durée contractuelle de travail s'il n'est pas à 35 heures hebdomadaires.
Contrairement à la situation classique, il n'y a pas de demande préalable à faire et il n'y aura pas de délai pour la prise en charge.
Attention : même si, dans l'urgence, votre dossier est accepté, il pourra y avoir ensuite une vérification et des justificatifs à fournir pour vérifier que votre attitude n'a pas été opportuniste.

Si l'employeur met en place une formation théorique pour le salarié durant le chômage partiel (difficilement envisageable dans le cas présent sauf pour une formation en ligne), l'indemnisation à maintenir est la même et fonctionne à l'identique des autres salariés en activité partielle (article 5 de l'ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020). La prise en charge des frais pédagogiques par le FNE-formation, dès lors que l'action de formation concerne l'adaptation aux nouvelles technologies ou l'obsolescence programmée du métier du salarié en raison des mutations économiques, est possible. Dans ce cas, se rapprocher de votre OPCO ou se renseigner auprès de votre DIRECCTE.

Dans le cas présent, il n'y a pas lieu de faire, au préalable, solder leurs congés aux salariés.

L'indemnisation à maintenir sur le bulletin par l'employeur sera, non pas le maintien total du brut, mais à hauteur de 70% du taux horaire brut contractuel du salarié multiplié par le nombre d'heures chômées jusqu'à la durée légale ou la durée prévue au contrat en cas de travail à temps partiel.
Quand on parle de durée légale du temps de travail, il s'agit du mode d'aménagement du temps de travail correspondant à 35 heures hebdomadaires ou 151,67 heures mensuelles ou 1600 heures annuelles. Si l'horaire collectif de l'entreprise est inférieur à l'horaire légal en raison du secteur d'activité (par exemple dans l'enseignement), c'est l'horaire collectif qu'il faut prendre en compte au lieu de l'horaire légal et si le salarié est au forfait-jours, il faut recalculer son horaire théorique selon 7h x 5 jours par semaine correspondant à 1820 heures annuelles sans tenir compte du jour de solidarité (1600h = 1820h - jours congés payés - jours fériés chômés).
 

Précisions sur le calcul de l'indemnité versée par l'employeur :

1) Calcul des heures admissibles à l'allocation d'activité partielle versée par l'Etat :

  • Ce sont les heures correspondant à la différence entre les heures hebdomadaires (hors heures supplémentaires ou complémentaires) et toutes les heures réellement faites sur la semaine, y compris les heures supplémentaires ou complémentaires. De la même façon, quand le décompte des heures se fait par mois, c'est la différence entre les heures mensuelles (toujours hors heures supplémentaires ou complémentaires) et toutes les heures réellement faites sur le mois.
  • Si l'horaire contractuel du salarié comprend des heures supplémentaires structurelles (c'est-à-dire un horaire supérieur au temps complet), ce sera, de la même façon, 151,67h moins toutes les heures réellement travaillées.
  • Si des heures supplémentaires ou complémentaires ponctuelles ont été effectuées avant la mise en activité partielle, elles sont bien sûr à payer comme d'habitude.
  • Sauf pour les heures d'équivalence, qui bénéficient d'une dérogation et ne sont donc plus neutralisées pour le calcul du taux d'indemnisation d'activité partielle ainsi que pour le décompte des heures perdues (article 1 de l'ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020), vous trouverez des exemples pour les autres cas (cycle ou modulation), toujours d'actualité pour l'instant, sur la fiche technique 5 de la circulaire DGEFP n° 2013-12 du 12 juillet 2013 (http://circulaires.legifrance.gouv.fr/pdf/2013/07/cir_37288.pdf).

2) Calcul du brut horaire de référence :

C'est la rémunération brute, calculée selon la méthode du maintien de salaire pendant les congés payés (donc, hors frais professionnels et primes habituellement exclues de cette assiette), divisée par le nombre d'heures payées correspondant à cette rémunération.
Quand la rémunération est très variable et que c'est les 10% qui s'appliquent systématiquement, la question reste en suspens. Personnellement, j'opterais, mais uniquement quand cet écart est important, pour la somme des éléments de salaire décomptés comme pour l'assiette de l'indemnité des congés payés sur la période des 12 derniers mois, divisée par le nombre d'heures payées sur ces 12 mois. Le taux horaire définit par cette méthode correspondrait à l'équivalent du maintien de salaire mais cette solution, somme toute logique, est à utiliser avec précaution car elle peut être refusée en cas de contrôle d'Urssaf.

Ce brut horaire x 70% sera le montant horaire de l'indemnité d'activité partielle à payer au salarié avec un minimum à 8,03€ par heure perdue.
L'employeur peut, par une décision unilatérale, décider d'indemniser au-delà des 70% ses salariés dès lors que cette mesure est collective. Il peut aussi y être contraint par un accord étendu de sa CCN.

Exemple A : un serveur de restaurant perçoit 1700 brut de salaire de base pour 151,67h mensuelles + 22 avantages en nature nourriture pour 215,60 euros par mois. Selon la convention collective des HCR, l'avantage en nature devient une indemnité repas pendant ses congés payés. Son taux horaire brut de référence sera : (1700+215,60)/151,67 = 12,63. L'indemnité d'activité partielle à lui verser sera 12,63 x 70% x nombre d'heures chômées.
Dans l'hypothèse où ce salarié se trouve en chômage total à compter du 17/03 avec un horaire hebdomadaire de 35 heures du mardi au samedi, il a donc travaillé 70 heures réelles sur le mois de mars 2020. Comme son horaire est défini par semaine, les heures de chômage à indemniser seront 77 heures (2 x 35h + 7h) à 8,84 (12,63 x 70%) par heure chômée. Si son horaire de travail avait été calculé par mois (à ne pas confondre avec le fait d'être payé mensuellement), on aurait pris 151,67 moins 70 heures pour déterminer le nombre d'heures perdues alors que dans le cas présent, son bulletin fera apparaître 74,67 heures travaillées + 77 heures chômés (151,67-77,00).

Exemple B : une coiffeuse perçoit 1060,00 de salaire de base pour 104h mensuelles selon un horaire de 8 heures par jour du jeudi au samedi. Son taux horaire brut de référence est : 1060/104 = 10,1923. L'indemnité d'activité partielle par heure chômée sera : 10,1923 x 70% = 7,13 (arrondi comptable de 7,1346). Or, ce montant horaire est inférieur au smic horaire net.
Dans l'hypothèse où cette salariée se trouve en chômage total à compter du 19/03, elle percevra 56 heures payées normalement pour la période du 01/03 au 18/03 + 48 h x 8,03€ d'indemnité d'activité partielle.

Régime social et fiscal de cette indemnité d'activité partielle :

  • L'indemnité d'activité partielle est exonérée de charges sociales sauf de la CSG déductible et non déductible ainsi que de la CRDS non déductible mais au taux de 6,70% (3,80 déductibles + 2,90 non déductibles) réservé aux rémunérations de remplacement. Elle est imposable.
  • Quand l'employeur a opté pour un pourcentage supérieur à 70%, le surplus est soumis au même régime. Par contre, quand l'indemnité est supérieure au plafond de 31,97€ (4,5 fois le smic horaire net au 01/01/2020), le surplus devient du salaire et est soumis à toutes les cotisations habituelles.

L'allocation d'activité partielle remboursée par l'Etat :

L'indemnisation des heures perdues que l'employeur percevra de l'État sera 100% de l'indemnité versée par l'employeur avec le minimum de 8,03€ par heure perdue dans les limites du pourcentage légal de 70% et du maximum de 31,97€ par heure perdue (le surplus reste à la charge de l'employeur).

Activité partielle pour le salarié du Particulier employeur :
L'article 7 de l'ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020 précise les modalités particulières pour les salariés, employés au domicile des particuliers, qui ne peuvent plus assurer leur service en raison du confinement : l'indemnité d'activité partielle est de 80% au lieu de 70% sans pouvoir être inférieur au net horaire de la CCN. L'employeur sera remboursé par l'Urssaf. Il a juste à réclamer auprès de son salarié une déclaration sur l'honneur indiquant les dates des heures chômées et informer le service CESU des heures non effectuées. Il n'y a pas lieu de déposer une demande sur le site dédié.
 

Droit de retrait : Extrait d'un article de juritravail du 6 mars 2020 :
« Lors de l'épidémie de grippe A (H1N1) en 2009, une circulaire précisait que le droit de retrait vise une situation particulière de travail et non une situation générale de pandémie grippale. Elle indiquait également que si l'employeur a mis en oeuvre les dispositions prévues par le Code du travail et les recommandations nationales, visant à protéger la santé et la sécurité de ses salariés, qu'il a informé et préparé son personnel, notamment dans le cadre des institutions représentatives du personnel, l'exercice du droit de retrait n'est pas justifié.
C'est ce que le Gouvernement a de nouveau rappelé au regard de l'
épidémie de Coronavirus qui touche la France. »
 

Le décret n° 2020-325 du 25 mars 2020 modifiant les textes relatifs à l'activité partielle :

  • Il faut préciser le taux d'indemnisation effectif sur le bulletin de salaire (70% du brut antérieur ou 100% du smic net). Article du code du travail R. 3243-1 modifié.
  • Quand le CSE existe dans l'entreprise, son avis est à fournir avec la demande d'activité partielle, pour le moins au plus tard dans les 2 mois suivant la demande. Article du code du travail R. 5122-2 modifié.
  • Ajout du cas de circonstance à caractère exceptionnel pour le délai de 30 jours suivant la mise en place de la réduction ou l'arrêt d'activité (auparavant, uniquement pour un sinistre ou des intempéries). Article du code du travail R. 5122-3 modifié.
  • Fin de l'exclusion des salariés en forfait-heures ou en forfait-jours au bénéfice de l'indemnité d'activité partielle quand il n'y avait qu'une baisse d'activité. Articles du code du travail R. 5122-8 et R. 5122-19 modifiés.
  • La durée d'autorisation peut maintenant être de 12 mois (auparavant, seulement 6 mois). Article du code du travail R. 5122-9 modifié.
  • L'allocation horaire d'activité partielle versée à tout employeur, quelle que soit la taille de l'entreprise, correspondra, pour chaque salarié concerné, à 70% de son brut horaire antérieur, calculé comme pour l'indemnité de congé payé selon la méthode du maintien de salaire, mais limitée à 4,5 smic horaire et avec un minimum de 8,03 euros (montant du smic net horaire en vigueur au 1er janvier 2020). Articles du code du travail R. 5122-12 et R. 5122-13 modifiés.
  • De nouvelles informations seront à renseigner sur les demandes d'indemnisation, entre autres le détail de la rémunération, la classification conventionnelle, la date de paiement des salaires, le total net payé, le coût global (brut + charges patronales), le total des heures payées + celles non travaillées en raison de l'activité partielle + l'indemnité versées à ce titre ainsi que le taux appliqué, etc... Bref, quasiment le bulletin en entier. Article du code du travail R. 5122-21 modifié.

Autres informations relatives à la situation d'urgence sanitaire :

  • Entre autres ordonnances reportant les dates limites dans plusieurs domaines, celle du 1er avril 2020 n° 2020-387 autorise le report de l'entretien professionnel bisannuel, prévu à l'article L. 6315-1, jusqu'au 31 décembre 2020.
  • La validation des acquis de l'expérience pourra être prise en charge par les OPCO et les termes des contrats d'apprentissage et ceux de professionnalisation sont à prolonger par avenant dès lors que les examens ont été reportés ou annulés afin de permettre au salarié de finir son cursus.
  • Il y a déjà des fiches pratiques "coronavirus" disponibles sur le site du gouvernement : boulangerie ; livreur ; travail en caisse ; commerce de détail ; garage ; agriculture ; etc...

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Titre Emploi Service Entreprise ou TESE. Ce service, proposé par l'Urssaf depuis 2009, était réservé jusqu'à présent aux entreprises d'au plus 9 salariés. Il vient d'être étendu aux entreprises de moins de 20 salariés.