La nouvelle organisation du temps de travail et la loi Travail.

  • Posté par Hélène le 24 August 2016
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Rentabilité de l'entreprise

Quelques explications préliminaires sur les termes utilisés dans cet article :

  • Accord d'entreprise : ce peut être aussi un accord d'établissement ou de groupe. Il est signé entre l'employeur et les instances représentatives du personnel de l'entreprise ;
  • CCN : convention collective applicable à l'entreprise. Elle regroupe plusieurs accords signés par les organisations syndicales de salariés et les organisations patronales d'employeurs. Plusieurs CCN peuvent exister dans une même branche professionnelle. Elles peuvent ne pas être étendues et sont alors d'application obligatoire seulement pour les entreprises adhérentes de l'organisation patronale d'employeurs signataire ;
  • Accord de branche : accord de branche professionnelle ou interprofessionnel ou territorial ;
  • Tous ces accords ou conventions s'entendent ici comme collectifs, c'est-à-dire qu'ils concernent une ou plusieurs catégories de salariés et qu'ils ont fait l'objet d'une négociation entre syndicats de salariés et d'employeurs. Par exemple, un accord d'intéressement n'est pas collectif quand il est signé uniquement par l'employeur et ses salariés ;
  • Article de code rétabli : numéro d'article antérieurement abrogé ou transféré à un autre article et remis en fonction ;
  • Article nouveau : numéro d'article dont la teneur est entièrement nouvelle ou remplacée par la teneur d'un ancien numéro ;
  • Article créé : numéro d'article inexistant auparavant dans le code du travail.

Tous les articles en orange cités dans cet texte sont des articles du code du travail.
Les extraits d'articles du code du travail apparaissent en italique.
La date d'effet est le 10 août 2016 sauf quand un décret est attendu.

Renumérotation des articles (durée du travail, repos et congés) selon 3 critères : articles 8, 9 et 11 de la loi

Cela correspond au livre Ier de la troisième partie du code du travail sauf le chapitre II du titre III (le repos hebdomadaire) et les titre VI (dispositions relatives aux jeunes travailleurs) et VII (contrôle de la durée du travail et des repos).
Pour ceux qui souhaitent avoir le détail des modifications, je leur mets à disposition un "éclaté" des articles de ce livre Ier impactés par la nouvelle loi et où je fais apparaître en vert les nouveaux éléments et entre parenthèse et en rouge les éléments supprimés.

Les critères de classement des articles sont :

D'ordre public : ils sont indérogeables, c'est-à-dire qu'il ne peut pas y avoir d'exception. Ce ne sont pas des éléments négociables sauf pour être plus avantageux pour le salarié.
Dans le champ de la négociation collective : ils précisent les éléments qui peuvent être négociés et comment.
Dispositions supplétives : quand ils existent, ces articles indiquent les minimums applicables des éléments entrant dans le champ de la négociation ou des informations supplémentaires quand il n'existe aucun accord collectif sur le sujet.

En fait, dans le cadre des éléments négociables, ce qui était réservé jusqu'à présent aux acteurs signataires des CCN passe dans le domaine des accords d'entreprise et les diktats de la CCN n'entrent en ligne de compte plus que par défaut. C'est là que se situe le renversement de la hiérarchie des normes : les règles applicables à la durée du travail, aux repos et aux congés sont celles de l'accord d'entreprise s'il existe, sinon de la CCN dont relève l'entreprise, sinon des articles de droit public ou des dispositions supplétives du code du travail.

Les nouveautés relevant du droit public :

  • Les heures de travail effectuées dans la tranche de 21 heures à l'horaire de nuit applicable à l'entreprise, quand cet horaire de nuit commence au-delà de 21 heures, sont payées double et doivent faire l'objet d'une compensation équivalente en repos. ancien L. 3122-29-1 modifié devenu le nouveau L. 3122-4
  • Intégration de l'activité saisonnière dans le cadre du contrat de travail intermittent (décret à venir). ancien L. 3123-33 modifié devenu le nouveau L. 3123-34
  • Intégration du droit au chômage des jours fériés pour les saisonniers dont les contrats successifs cumulent une ancienneté supérieure à 3 mois. L. 3133-3 modifié
  • Pour éviter la confusion dans la compréhension des termes, le groupe de mots "ouverture des droits" est remplacé par "embauche" pour le droit de prise des congés (sans préjudice des règles applicables à cette prise). L. 3141-12 modifié
  • Plus besoin de l'autorisation des représentants du personnel ou des salariés pour le fractionnement du congé principal pour cause de fermeture de l'établissement. ancien L. 3141-20 devenu la deuxième phrase du 1er alinéa du nouveau L. 3141-19
  • Suppression de l'exclusion au droit à indemnité compensatrice de congés payés en cas de licenciement pour faute grave (mise à jour du texte suite à invalidation du Conseil d'État de cette exclusion par QPC du 2 mars 2016). ancien L. 3141-26 modifié devenu le nouveau L. 3141-28
  • La fermeture pour congés payés d'un établissement ne peut être supérieure à 24 jours ouvrables sauf dérogation individuelle (entente avec le salarié) pour des étrangers dont le pays d'origine est lointain ou en cas de présence au foyer d'un handicapé ou d'une personne âgée en perte d'autonomie. L. 3141-17 modifié et ancien L. 3141-29 remplacé par le nouveau L. 3141-27 (donc, la teneur du texte initial du L. 3141-29 concernant l'indemnité spéciale de congés due quand la fermeture en continue dépasse les 30 jours de congés légaux a disparu. Pour les établissements scolaires privés dont l'activité cesse durant les congés scolaires, il faudra impérativement conclure un accord collectif si la CCN est muette à ce sujet ou ne permet pas la mise en place d'un contrat intermittent.)
  • Nouveau droit à congé rémunéré pour événement familial : 2 jours pour l'annonce de la survenue d'un handicap chez un enfant. L. 3142-1 modifié et L. 3142-4 nouveau
  • Modification dans les nombres de jours à accorder au minimum pour certains événements familiaux :
    -  3 jours pour un décès du conjoint ou d'un partenaire pacsé ou d'un concubin, du père, de la mère, du beau-père, de la belle-mère, d'un frère ou d'une soeur (auparavant 2 jours pour le conjoint ou assimilé et 1 jour pour les autres)
    -  5 jours pour le décès d'un enfant (auparavant 2 jours). L. 3142-4 nouveau

Les nouveautés relevant du champ de la négociation :

  • La durée du travail journalière pourra aller jusqu'à 12 heures au maximum (auparavant, uniquement dans les cas prévus par décret). L. 3121-19 créé
  • Instauration d'une liste des modalités que devront contenir les accords d'entreprise sur les forfaits en heures ou en jours lors de leur mise en place ou de leur révision. ancien article L. 3121-39 devenu L. 3121-64 créé
  • Ajout de 3 mentions obligatoires que doivent inclure les accords sur le travail de nuit :
    -  la définition de la période du travail de nuit
    -  la contrepartie en repos et éventuellement la compensation en salaire
    -  l'organisation des temps de pause. ancien L. 3122-40 devenu les 4° à 7° de L. 3122-15 rétabli

Les nouveautés relevant des dispositions supplétives :

  • Ajout dans les critères familiaux liés à l'ordre des départs en congés la présence au sein du foyer d’un enfant ou d’un adulte handicapé ou d’une personne âgée en perte d’autonomie. ancien L. 3141-14 devenu pour partie L. 3141-16 nouveau
  • En l'absence d'accord collectif et sauf accord individuel avec le salarié, les jours pour fractionnement sont pris en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre. ancien L. 3141-19 modifié devenu L. 3141-23
  • Une entreprise de moins de 50 salariés pourra mettre en place une répartition individualisée des horaires sur une période pouvant aller jusqu'à 9 semaines sans accord collectif (actuellement possible par cycle d'au maximum 4 semaines. Voir mon article à ce sujet pour plus de détails). Décrets à venir. L. 3121-45 nouveau

Autres impacts sur l'organisation du temps de travail apportés par l'article 8 :

  • La liste des dimanches, arrêtée annuellement par le maire (depuis l'invalidation du 24 juin 2016 par le Conseil d'État, ces dimanches ne sont plus décidés par le préfet pour Paris), peut être modifiée en cours d'année au moins deux mois avant le premier dimanche concerné par cette modification. article L. 3132-26 modifié
  • Officialisation des journées de commémoration de l'abolition de l'esclavage comme jour férié dans les départements d'outre-mer, Saint-Barthélemy et Saint-Martin. L. 3422-2 créé

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