Comment gérer la "pénibilité" sans référentiels de branche.

  • Posté par Hélène le 8 August 2016
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enfants au travail, par pixabay

Une instruction interministérielle du 20 juin 2016 (circulaire n° 41030, instruction n° DGT/DSS/SAFSL/2016/178 ) rappelle les dernières modifications apportées par la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 sur le Compte Personnel de Prévention de la Pénibilité (CPPP ou C3P) et présente un récapitulatif des obligations de l'employeur sur ce sujet.

Pour les entreprises sans accord spécifique, voici un résumé de cette instruction, avec mes interprétations personnelles en rouge quand il n'existe pas de précisions officielles :

  • Tous les salariés du secteur privé sont concernés, même ceux exclus du bénéfice du CPPP (régime spécial de retraite compensant déjà la pénibilité, salariés du particulier employeur et les travailleurs détachés en France).
  • La fin de l'exposition à un ou plusieurs facteurs de pénibilité, suite à une meilleure protection collective ou individuelle ou grâce à des moyens automatisés de manutention, n'est pas une modification du contrat de travail.
  • La fiche d'exposition individuelle n'existe plus. Il n'y a donc plus lieu d'en fournir une copie au salarié ou au médecin du travail. Elle est remplacée par une fiche type d'exposition (ou fiche de référence métier) qui peut être substituée par un référentiel métier de branche homologué. Par exception, la fiche d'exposition individuelle est maintenue, ainsi que l'obligation d'en fournir une copie au salarié et de la conserver 5 ans, pour les seuls travailleurs détachés en France.
  • Pour l'établissement de cette fiche type d'exposition : quand l'entreprise établit son propre référentiel, l'exposition du poste est évaluée selon les conditions habituelles de travail, après prise en compte des mesures de protection collective ou individuelle, en moyenne sur 12 mois. Si le poste n'a pas de caractère permanent (saisonnier, travail exceptionnel en regard de l'activité de l'entreprise), il faut ramener la durée observée à 12 mois.
    Par exemple : l'exposition constatée pendant les 2 mois d'un contrat saisonnier est à multiplier par 6.
    Si le salarié change de poste pendant l'année, les fiches type d'exposition relatives à chaque poste successif s'appliquent.
  • Les CDD d'une durée inférieure à un mois ne sont pas concernés.
  • Pour les intérimaires, l'entreprise d'intérim va demander la fiche type d'exposition du poste qui va être attribué car c'est à elle qu'incombe la déclaration d'exposition.
  • Les périodes d'absence doivent être significatives dans leur durée (en continue ou cumulée sur l'année) pour avoir une incidence sur l'exposition. Il faut que cette période soit nettement supérieure à un mois.
  • Pas de modalité particulière pour les salariés à temps partiel. A priori, dès lors que le temps de travail respecte la durée minimale légale de 24 heures par semaine, la fiche-type d'exposition à plein temps est applicable. Pour les cas particuliers des travailleurs effectuant une durée hebdomadaire inférieure, il faut se référer à la convention applicable à l'entreprise ou analyser au cas par cas selon le motif dérogatoire prévu au contrat.
  • La déclaration d'exposition se fait, pour les contrats de travail toujours en cours en fin d'année civile, sur la DSN du 5 ou 15 janvier et, pour les autres contrats, le 5 ou le 15 du mois suivant la fin du contrat (sinon sur la DADS de 2016 pour les dernières entreprises non encore concernées par la DSN). A titre exceptionnel, une régularisation des déclarations et versements faits pour 2015 est possible au plus tard le 30 septembre 2016 (au 10 octobre 2016 pour le régime agricole). Cette possibilité de régularisation exceptionnelle est aussi prévue pour l'année 2016.
  • Les caisses de retraite ont en charge de calculer, alimenter le CPPP et informer les travailleurs concernés. Par exception, c'est l'Urssaf qui aura en charge le traitement en cas d'utilisation du Titre Emploi Service Entreprise (TESE) et la MSA en cas d'utilisation du Titre Emploi Simplifié Agricole (TESA).

Les référentiels de branche homologués :

Ils sont tous en préparation sauf pour la Fédération nationale des boissons (bien que ce ne soit qu'un accord pour aider les entreprises adhérentes et non à proprement parler de vrais référentiels métiers).

En attendant leur "sortie", l'employeur est tenu d'établir des fiches type par unité de travail (soit pour chaque poste de travail, soit correspondant à plusieurs postes présentant les mêmes critères d'exposition à un facteur de pénibilité). Cette unité de travail peut correspondre à des tâches d'exposition comme pour la manutention ou à un lieu comme pour le bruit ou les températures extrêmes, ou encore les deux comme pour les produits chimiques dangereux. Pour les facteurs de travail de nuit et en équipes successives, ce sera en fonction des horaires de travail. Normalement, ces fiches sont à annexer au Document Unique d'Évaluation des Risques professionnels ou DUER.

Toutes les branches ont l'obligation d'élaborer ces référentiels en fonction des métiers en usage dans la profession. Il y aura un ou plusieurs référentiels par branche. L'employeur devra utiliser le référentiel de sa branche professionnelle pour les métiers pratiqués dans son entreprise sauf pour un poste correspondant à une activité spécifique ou une activité minoritaire par rapport à l'activité générale de l'entreprise. Dans ce cas, il pourra utiliser un référentiel d'une autre branche professionnelle à laquelle cette activité spécifique correspond davantage.
Par exemple, une boulangerie-restaurant qui applique la convention collective des Hôtels-Cafés-Restaurants : pour son boulanger travaillant de nuit, le référentiel de son poste correspondra davantage à celui prévu par la branche professionnelle de la boulangerie.

En utilisant ces référentiels homologués, l'employeur s'assure contre toute contestation par le travailleur car ce sera à celui-ci à apporter la preuve que son poste de travail ne correspond pas au référentiel appliqué.

 

Précisions sur certains facteurs de pénibilité, toujours selon l'instruction interministérielle :

Travail de nuit : l'heure de nuit peut être en discontinue. En cas d'astreinte quand le travailleur l'effectue à son domicile, seul le temps d'intervention effectif est à prendre en compte.

Travail en équipes successives alternantes : le travail par équipes est à comprendre selon la directive européenne du 4 novembre 2003 relative à l'aménagement du temps de travail.
Par exemple : sera un travail en équipe successive l'utilisation d'un même poste de travail par 2 salariés, le premier de 4 heures à 12 heures et le second de 13 heures à 21 heures, mais seul le premier salarié sera éligible (à déclarer s'il effectue plus de 50 heures par an entre minuit et 5 heures) au facteur de pénibilité.
Un salarié concerné par le facteur de risque pour équipe successive alternante n'est pas concerné par le facteur de risque pour travail de nuit. Il n'y a pas de cumul entre ces facteurs et c'est celui de l'équipe alternante qui prime.

Travail répétitif : les critères ont été modifiés par le décret n° 2015-1988 du 30 décembre 2015 pour plus de clarté (se reporter à mon article du 21 janvier).
Le membre supérieur va de la main à l'épaule. L'action technique consiste en action manuelle élémentaire qui peut se traduire par un verbe d'action comme tourner, pousser, etc. La cadence contrainte correspond à une situation où, si le travailleur interrompt sa tâche, cet arrêt interrompt également la chaîne de production et les tâches de ses collègues.

Agents chimiques dangereux : les précisions ont été apportées par l'arrêté du 30 décembre 2015. Vous trouverez sur le même article du 21 janvier le tableau détaillé des limites des seuils d'exposition ainsi que le lien internet avec l'arrêté. Un deuxième arrêté du 30 décembre 2015 donne la liste des classes et catégories définies à l'annexe 1 du règlement (CE) 1272/2008 de ces agents chimiques dangereux.
Les poussières et fumées de ces agents chimiques sont aussi concernées.
Les cas d'exclusion : l'agent chimique n'est pas sur la liste ; l'évaluation réalisée conclut à un risque faible (mesures de prévention suffisantes) ; l'évaluation conclut à un risque réel mais les mesures et moyens de prévention mis en oeuvre permettent de supprimer ou de réduire le risque au minimum ; quand le contrôle réglementaire de la Valeur Limite d'Exposition Professionnelle (VLEP) révèle une valeur inférieure ou égale à 30 % de la VLEP grâce à la mesure de protection ; la durée d'exposition est inférieure ou égale à 150 heures par an.

Manutention : L'évaluation du risque lié à la manutention se fait d'abord sur le critère des manutentions manuelles de charges de plus de 7,5 tonnes cumulées dans la journée. Si ce n'est pas le cas, on étudie la fréquence des 3 autres critères.

Vibrations mécaniques : les notices de machines neuves provoquant ce type de vibrations doivent indiquer si ces machines dépassent ou non les seuils des 2 critères prévus selon que les vibrations occasionnées sont limitées aux mains et aux bras ou transmises à l'ensemble du corps.

Températures extrêmes : l'évaluation concerne les températures liées à l'exercice de l'activité, donc sauf pour les activités en plein air, les températures extérieures ne sont pas prises en considération pour les calculs des seuils.

Le bruit : un arrêté du 11 décembre 2015 donne les mesures du niveau de pression acoustique de crête et des niveaux d'exposition journalier et hebdomadaire.

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