Le décompte du temps de travail.

  • Posté par Hélène le 13 September 2018
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Remarque préliminaire : les parties en italique donnent des explications pour les passionnés du « pourquoi ».

Le forfait attire nombre d'employeurs par son aspect simplifié.
Or, c'est un faux ami. Non seulement ce système de décompte est très encadré et réservé à un nombre restreint de catégories de salariés mais il ne peut être mis en place qu'avec un accord collectif (CCN) ou une convention d'entreprise. Et dans tous les cas, ce n'est jamais un forfait en net.
Sauf si votre CCN l'a prévu, le forfait n'est pas prudent pour une TPE à cause du risque de dérive sur la notion d'autonomie. Je ne traiterai donc ni du forfait en jours ni du forfait en heures dans cet article.

Alors, comment faire ? Quels sont les autres choix possibles ?

Les limites de temps de travail :

En tout premier, contrairement à une idée très répandue, le temps de travail n'est pas limité à 35 heures hebdomadaires.
L'origine de cette confusion vient de la mise en place d'accords entre l'Urssaf et des entreprises ayant anticipé le passage à 35 heures pour bénéficier d'une contrepartie financière appelée Aubry I et Aubry II. Ces entreprises s'engageaient à compenser la diminution du temps de travail par des embauches et s'obligeaient à respecter cette limite hebdomadaire tant qu'elles bénéficiaient de ces aides incitatives non négligeables. Comme ce fut surtout des grandes entreprises qui passèrent ces accords, les médias en ont beaucoup parlés sans forcément en comprendre vraiment le mécanisme. Ces aides ont été fortement réduites à la mise en place de la réduction Fillon au 1er juillet 2003 puis abrogées, au 1er avril 2004 pour Aubry I et au 1er juillet 2005 pour Aubry II.
Pour toutes les autres entreprises, soit au 1er janvier 2000 pour celles de + de 20 salariés et au 1er janvier 2002 pour les autres, la seule obligation était de majorer les heures faites au-delà de 35 heures hebdomadaires à 10% pour les 4 premières heures, et à 25% pour les 4 suivantes, la majoration à 50% restant identique pour les heures effectuées au-delà de 43 heures. Ainsi, beaucoup de petites entreprises sont restées à 39 heures, principalement dans le bâtiment et le transport. Ce qui les a incitées à réduire le temps de travail a été surtout les salaires minima conventionnels qui ont augmenté de plus de 11% quand les syndicats signataires des CCN ont calculé les salaires minima mensuels sur la base de 35 heures au lieu de 39 heures au fur et à mesure des nouveaux accords ou avenants relatifs aux salaires minima.

Sauf dans certains secteurs dérogatoires, la limite hebdomadaire absolue est de 48 heures et de 44 heures en moyenne sur 12 semaines consécutives. La limite journalière est de 10 heures, et le repos journalier à accorder, entre 2 journées de travail, doit être de 11 heures au minimum.

Le repos hebdomadaire :

Sauf dans certains secteurs dérogatoires, un repos hebdomadaire d'au minimum 35 heures (24 heures + les 11 heures entre 2 jours de travail) doit être accordé. Beaucoup de CCN imposent le dimanche comme jour de repos hebdomadaire, et même certaines prévoient deux jours de repos hebdomadaire, soit 59 heures entre la fin de la semaine et le début de la suivante.

 

Le décompte hebdomadaire :

C'est le décompte par défaut, quand aucun autre décompte est mis en place de manière volontaire comme un cycle sur plusieurs semaines ou une modulation. Depuis la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 surnommée « loi travail », la semaine peut être définie par convention d'entreprise par 7 jours consécutifs au lieu de la semaine civile.

Ce décompte hebdomadaire sert à déterminer les heures supplémentaires ou complémentaires. Les heures effectuées au-delà de 35 heures pour un salarié à temps complet et au-delà du total d'heures hebdomadaires prévus au contrat du salarié à temps partiel, sont majorées. Hors convention d'entreprise ou indications spécifiques dans votre CCN, ce sont les taux de majoration légaux qui s'appliquent : 25% pour les 8 premières heures puis 50% pour les suivantes si le salarié est à temps complet, et 10% pour le dixième de l'horaire hebdomadaire prévu au contrat puis 25% (si votre CCN autorise les heures au-delà de ce dixième) pour les suivantes lorsque le salarié est à temps partiel.

L'employeur peut, sous réserve de l'accord du salarié, remplacer ces majorations, ou ces heures supplémentaires ou complémentaires par un repos compensateur équivalent. C'est-à-dire, pour 36 heures faites sur la semaine, on paye 35 heures et on accorde un repos payé de 1 heure et quart au salarié ou on lui paye 36 heures au taux normal + un repos payé d'un quart d'heure. En réalité, ces repos sont pris en entente commune par journée ou demi-journée.

Ce décompte sert aussi à déterminer les heures supplémentaires qui entrent dans le contingent annuel.

Le contingent annuel d'heures supplémentaires :

Ce contingent diffère souvent du total des heures supplémentaires payées car n'entrent dans celui-ci que les heures au-delà de 35 heures véritablement travaillées. En effet, si votre salarié a été embauché pour 37 heures, par exemple, quand il est en congés payés ou s'il y a eu un jour férié chômé pendant la semaine, il n'a pas effectivement travaillé ces 37 heures qui lui sont payées.
Ce contingent, pour les heures acquises, est remis à zéro à chaque 1er janvier. Chaque heure accomplie au-delà d'un seuil annuel égal à 220 heures (au prorata en cas d'entrée ou de sortie en cours d'année) quand votre CCN ne le détermine pas ou qu'il n'a pas été négocié par convention d'entreprise, ouvre droit à un repos compensateur d'une demi-heure pour les entreprises d'au plus vingt salariés et d'une heure pour les entreprises de plus de vingt salariés. Ce repos payé est pris par journée ou demi-journée.
Le code du travail précise qu'en cas de modulation, le nombre de 220 heures passe à 130 heures.

 

L'enregistrement des heures réellement travaillées :

La mise en place d'une pointeuse est coûteuse et pas toujours applicable suivant les activités. Pour être vraiment utile, elle nécessite un environnement informatique de type ERP pour le retraitement automatique, difficilement envisageable dans les TPE.
En règle générale, dans les très petites structures, l'employeur tient un carnet (ou tout autre support) où il note les absences et retards.
Une méthode de remplacement toute simple consiste en un cahier d'écolier et une horloge à l'accueil. Chaque salarié, à son arrivée, indique l'heure et signe sur le cahier en-dessous de la ligne précédente dans la colonne d'arrivée. A son départ, il fait de même dans la colonne de départ. C'est idéal dès qu'il y a trop de salariés pour que l'employeur puisse se charger du contrôle et dès lors que les arrivées et départs sont suffisamment groupés pour éviter la triche.

Pour les heures supplémentaires ponctuelles, soit c'est l'employeur qui les comptabilise, soit ce sont les salariés eux-mêmes qui les renseignent sur des feuilles de travail. Habituellement, ces feuilles sont arrêtées du 15 au 15 ou du 20 au 20 et à remettre avant une date limite pour le visa de l'employeur et un traitement dans de bonnes conditions.
Vous trouverez dans mon article sur la gestion des heures supplémentaires comment les comptabiliser pour l'établissement des bulletins de salaire.

 

Les autres modes d'organisation du travail :

  • Le décompte mensuel :
    Ce système, souvent choisi (par confusion parce que le modèle de contrat le prévoit) par les employeurs de salariés à temps partiel, ne s'applique en fait que si le salarié n'a pas un horaire régulier mais travaille uniquement un nombre de jours par mois, par exemple un gestionnaire de paie travaillant 10 jours par mois dans la plage du 25 au 8 pour traiter les bulletins et les charges.
    En effet, la loi sur la mensualisation du 19 janvier 1978, issue de l'accord national interprofessionnel du 10 décembre 1977, s'applique impérativement à tous les salariés sauf les 4 catégories suivantes : les saisonniers, les intérimaires, les intermittents et les salariés à domicile (à ne pas confondre avec les télétravailleurs). L'ANI du 10 décembre 1977 va plus loin que le fait de payer mensuellement les salariés, il lisse la rémunération sur 12 mois égaux, c'est-à-dire que l'horaire hebdomadaire est multiplié par 52 semaines et divisé par 12 mois. C'est ainsi qu'on arrive à 151,67 heures mensuelles pour un horaire hebdomadaire de 35 heures. Or, il y a encore des entreprises, en particulier dans le transport routier, qui, principalement en raison de l'opposition des ouvriers, n'appliquent la mensualisation qu'aux heures normales et payent le total des heures faites sur le mois. C'est à la rigueur possible pour les routiers de courte et longue distance travaillant 6 jours par semaine (52 x 6 = 26 jours par mois) car la distorsion est alors moindre que pour 52 x 5 = 22 jours par défaut. En fait, les ouvriers routiers n'ont pas encore réalisé que la mensualisation est une meilleure répartition de leur salaire sur l'année. Les 4 catégories exclues l'ont été car ce sont des contrats courts principalement conclus pendant les 2 mois d'été de 31 jours et qui auraient été pénalisées par l'ANI.
     
  • La modulation :
    Très utile quand il y a une variation de l'activité significative avec des pics de haute et basse activité correspondant souvent à une cause saisonnière. Mais cela nécessite la mise en place d'un planning prévisionnel du temps de travail très précis, modifiable une ou deux fois seulement. En général, l'activité est cyclique et annuelle.
    Le grand avantage de la modulation permet de lisser le temps de travail sur 52 semaines au maximum et de décompter les heures supplémentaires à la fin de chaque fin de période de modulation, soit tous les 12 mois si le planning prévisionnel est de 52 semaines consécutives. Ainsi, les heures effectuées au-delà de 35 heures sur les périodes de haute activité sont compensées par les heures effectuées en-dessous de 35 heures pendant les périodes de basse activité.
    La gestion d'une modulation est complexe et va exiger beaucoup de rigueur. C'est très chronophage pour l'employeur pour gérer les entrées, sorties et absences, rémunérées ou pas, car des règles de non-compensation existent.
     
  • L'intermittence :
    C'est une modulation du temps de travail mais avec des périodes à 0 heure.
    C'est idéal quand l'activité est saisonnière et qu'il y a des périodes d'activité nulle très supérieures aux 4 semaines de fermeture permise pour la période des congés payés. Depuis les ordonnances du 22 septembre 2017, si votre CCN n'a rien prévu sur ce sujet, il est possible de proposer ce mode de temps de travail, beaucoup moins chronophage car moins complexe, par convention d'entreprise. Le salaire est lissé, comme pour la modulation, mais en général sur une durée de travail inférieure au temps complet sans les restrictions liées du temps partiel.
     
  • Le temps de travail par cycle :
    Je me suis étendue sur ce mode de temps de travail dans 2 articles précédents : aménagement du temps de travail par cycle (quand celui-ci était limité sur 4 semaines au maximum) et le travail par cycles (sur 9 semaines au maximum permis par la loi du 8 août 2016).
    Maintenant la limite est sur 52 semaines, le principe restant identique.
     
  • Les RTT :
    Issue des accords de réduction du temps de travail à partir de 1998 jusqu'à 2004, cette organisation du temps de travail consiste à embaucher pour un horaire supérieur à 35 heures hebdomadaires et à payer seulement ces 35 heures, les heures au-delà de cet horaire étant récupérées par journée ou demi-journée de repos.
    Cette méthode est trop complexe pour la développer ici et je prévois d'y consacrer un article complet. En deux mots, le principe est une modulation sur l'année civile avec un horaire régulier. Par exemple, pour un horaire de 40 heures sur 5 jours de 8 heures par semaine, on a 33 jours de RTT. En effet, la complexité vient du fait que les jours travaillés sont de 8 heures et les jours de repos (CP + jours fériés chômés + RTT) sont de 7 heures.
    Beaucoup de CCN l'ont instituée dans des accords collectifs, souvent dénoncés ou rarement mis en place par les entreprises adhérentes, tout au moins dans les TPE.
     

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