Que dit la jurisprudence du 4e trimestre 2015 ?

  • Posté par Hélène le 17 February 2016
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arbre dans la tempête, par pixabay

1) Les éléments de salaire

  • Rupture d'un CDD et prime de précarité : cassation sociale du 6 octobre n° 14-19126 : dans le cadre d'une rupture d'un commun accord, la prime de précarité reste due.
  • Une requalification de CDD à répétition avec le même salarié n'implique pas systématiquement l'indemnisation des périodes entre ces CDD : cassation sociale du 16 septembre 2015 n° 14-16277 : la prudence reste de rigueur même si maintenant c'est au salarié d'apporter la preuve qu'il est resté à la disposition de l'entreprise durant les périodes entre les contrats successifs.
  • CCN bureaux d'études et Syntec : cassation sociale du 4 novembre 2015 n°s 14-25745 à 14-25751 : comme pour tous les forfaits, le forfait en heures hebdomadaires pour les ingénieurs et cadres n'est pas légal en l'absence d'accord exprès du salarié.
  • Les clauses contractuelles continuent en cas de changement juridique de l'employeur : cassation sociale du 15 septembre 2015 n° 14-10422 : qu'importe le nom ou le statut de votre entreprise, tant que le contrat "suit" les fusions, transformations ou cessions, tous les éléments de celui-ci continuent à s'appliquer.
  • Attention aux primes répétitives même discrétionnaires : cassation sociale du 17 novembre 2015 n° 18972 : alors que le salarié n'apportait aucune preuve d'existence d'un usage ou que d'autres salariés bénéficiaient également de cette prime, il suffit que celle-ci soit répétée durant plusieurs années pour devenir un élément du contrat de travail.
  • Clause de rémunération mal rédigée sur le contrat : cassation sociale du 15 décembre 2015 n° 13-26194 : indiquer que la rémunération peut atteindre un montant X selon des critères tels que ponctualité, respect des procédures ou efficacité dans l'établissement des factures, ne correspond ni à une rémunération variable, ni à une clause de résultat ou d'objectif. Il ne suffira pas d'affirmer que les objectifs fixés n'étaient pas atteints pour diminuer cette rémunération qui se trouve acquise de plein droit.
  • Pas de cumul pour les contreparties ayant le même objet ou la même cause : cassation sociale du 4 novembre 2015 n° 14-21172 : une contrepartie au travail de nuit prévue en repos par la CCN peut être valablement compensée par un usage d'entreprise dès lors que celui-ci est au moins équivalent.
  • Rétrogradation et baisse du salaire : cassation sociale du 5 novembre 2015 n° 14-17800 : si les responsabilités liées à la fonction diminuent avec le nouveau poste attribué après la sanction disciplinaire de rétrogradation, il est licite de réduire la rémunération en rapport avec le nouveau poste de travail.
  • Attention aux termes utilisés pour contractualiser les primes : cassation sociale du 5 novembre 2015 n° 14-17138 : dès lors que c'est écrit sur le contrat de travail, qu'importe si une prime de fin d'année doit avoir un caractère général et des critères de calcul d'après le code du travail, le contrat l'emporte sur la loi, du moins pour les éléments du salaire.
  • Refuser une hausse de coefficient n'est pas du harcèlement moral : cassation sociale du 30 septembre 2015 n° 14-23291 : le coefficient doit correspondre aux fonctions exercées. Une salariée qui insistait à mériter un statut cadre et un coefficient supérieur au vue de ses fonctions, s'est vue rabrouée un peu vertement par son employeur. Elle a donc estimé avoir été harcelée. La cour a jugé que non.
  • Une indemnité de rupture conventionnelle inférieure à l'indemnité légale de licenciement n'est pas en soi une cause de nullité de la rupture : cassation sociale du 4 novembre 2015 n° 13-27873 :  confirmation d'une jurisprudence de ce printemps. Mais le risque de réclamation ultérieure par le salarié ou celui d'un refus d'homologation restent réels.

 

2) La forme

  • Délai de prévenance et grève de la Poste : cassation sociale du 6 octobre 2015 n° 14-18067 : invoquer une grève du bureau de poste desservant son domicile pour réclamer une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement est insuffisant dès lors que le délai des 5 jours ouvrables a été respecté et que la salariée était informée de la date de l'entretien.
  • Un simple compte-rendu d'entretien n'est pas une sanction disciplinaire : cassation sociale du 12 novembre 2015 n° 14-17615 : attention néanmoins à ne pas confondre avec une demande écrite d'explications adressée au salarié (cassation antérieure du 19 mai 2015 n° 13-26916) ou un envoi de mail de reproches à celui-ci (cassation antérieure du 9 avril 2014 n° 13-10939). En effet, toute mesure dépassant la simple observation verbale est considérée par les cours de cassation comme une sanction. Et il n'est pas possible de sanctionner deux fois pour le même motif.
  • Envoyer le jour même de la deuxième visite d'inaptitude la convocation à l'entretien est précipité : cassation sociale du 4 novembre 2015 n° 14-11879 : en théorie, il n'y a pas à anticiper la décision de la médecine du travail et les recherches de reclassement ne sont ouvertes officiellement qu'à partir de la dernière visite médicale. Qu'importe que l'entreprise n'est rien à proposer.
  • Un contrôle d'alcoolémie, même si la procédure est respectée et que le règlement intérieur l'a prévu, peut être invalidé : cassation sociale du 4 novembre 2015 n° 14-18574 : en effet, le règlement intérieur n'entre en vigueur qu'un mois après les formalités d'affichage et de dépôt au greffe du conseil de prud'hommes du ressort de l'entreprise. En l'espèce, le dépôt au greffe n'avait pas été fait.
  • Une convocation orale à un entretien est un vice de procédure : arrêt du Conseil d'Etat du 30 décembre 2015 n° 384290 : si le salarié refuse la convocation à l'entretien en main propre, il ne reste que la solution de la lui envoyer en RAR, sinon par voie d'huissier ou par transporteur pour avoir un justificatif d'expédition et de réception.
  • Dès réception de l'avis de grossesse, vous devez annuler la notification de licenciement : cassation sociale du 15 décembre 2015 n° 14-10522 : une proposition de réintégration tardive, même si elle est faite durant le préavis de rupture, ouvre droit à une indemnité de dommages et intérêts d'au minimum 6 mois de salaire.

 

3) Le fond

  • Une rupture conventionnelle peut être conclue avec un salarié durant son arrêt de travail, de nature professionnelle ou non : cassation sociale du 16 décembre 2015 n° 13-27212 : dès lors qu'il n'y a pas de volonté de contourner la législation ou un vice de consentement, un employeur et un salarié peuvent s'entendre pour une rupture conventionnelle, même s'il n'y a pas eu de visite médicale de reprise après un accident du travail.
  • Refuser une candidature en invoquant que le poste est "plutôt" réservé au personnel féminin en raison de mesures temporaires pour établir un quota hommes/femmes reste délicat : cassation sociale du 30 septembre 2015 n° 14-25736 : même si le salarié, contestant le côté discriminatoire, a été débouté par la cour au motif que l'association n'avait fait montre que d'une préférence et qu'il avait refusé les autres postes disponibles, plus physiques et donc correspondant davantage à un emploi masculin, l'association a été condamnée aux dépens.
  • Arranger son CV à son avantage n'est pas fautif, mais un salarié ne peut pas s'inventer des compétences : cassation sociale du 25 novembre 2015 n° 14-21521 : relève de la faute grave le fait de faire croire à son futur employeur qu'il a exercé des fonctions similaires indispensables pour le poste à pourvoir.
  • Une ancienneté de 12 ans ne justifie pas un unique vol : cassation sociale du 4 octobre 2015 n° 14-16104 : remplir le réservoir de son véhicule et plusieurs bidons avec le fioul de l'entreprise vaut un licenciement pour faute grave.
  • Clause de l'obligation de discrétion : cassation sociale du 16 septembre 2015 n° 13-26949 : même quand on est cadre dirigeant, on ne peut pas se permettre de prendre position ouvertement devant ses collègues pour le nouveau candidat et critiquer le candidat sortant, d'autant qu'il existe dans son contrat de travail une clause d'obligation de discrétion sur toutes les informations dont on peut avoir connaissance dans le cadre de ses fonctions.
  • Même si on est salarié, on ne se dédouane pas de toutes responsabilités : cassation sociale du 7 octobre 2015 n° 14-12403 : un directeur de la sécurité fait démonter un échafaudage de 4 mètres de hauteur, sur ordre impératif de son supérieur hiérarchique alors que la nacelle de sécurité devant assurer le démontage n'avait pas été livrée, ne peut pas se cacher derrière l'ordre de son supérieur pour contester son licenciement pour faute grave. L'article L. 4122-1 du code du travail est là pour rappeler que tout travailleur doit prendre soin, en fonction de sa formation et de ses connaissances, de la santé et de la sécurité des personnes concernées par ses actes.
  • Faute grave, ok, mais pas faute lourde : cassations sociales du 22 octobre 2015 nos 14-11291 et 14-11801 : il ne suffit pas que l'entreprise ait été lésée abusivement sur le plan financier par le salarié, encore faut-il qu'elle puisse avancer la preuve de la volonté de lui nuire par celui-ci.
  • Quand un conflit éclate entre deux salariés, l'employeur est concerné : cassation sociale du 19 novembre 2015 n° 13-26199 : sa responsabilité sera jugée à l'aune des mesures qu'il a prises pour apaiser ce conflit.
  • Faire usage du droit de retrait n'est pas fautif : cassation sociale du 25 novembre 2015 n° 14-21272 : dès lors que le danger est réel, qu'importe que l'employeur ait réagi immédiatement pour soustraire le salarié au danger, il ne peut pas le licencier pour faute grave au motif que la situation n'était pas si dangereuse que cela.
  • Licencié pour avoir voulu faire des copies de ses bulletins avec l'exemplaire de l'employeur : cassation sociale du 8 décembre 2015 n° 14-17759 : et oui, il y a eu atteinte au droit de propriété de l'employeur. En l'espèce, le salarié, ayant égaré des bulletins de salaire, a pris les exemplaires de l'employeur pour en faire des copies. Il a été licencié pour faute grave et la cour de cassation ne l'a pas suivi dans sa revendication pour licenciement sans cause.
  • Employeurs, sollicitez l'avis du médecin du travail quand vous avez à mettre en place des recherches de reclassement suite à une inaptitude : cassation sociale du 15 décembre 2015 n° 14-11858 : même si le deuxième avis indique "inaptitude à tout poste", vous êtes tenus de procéder à des recherches de reclassement. En sollicitant les avis du médecin du travail sur les possibilités existantes, ou inexistantes, ses réponses apporteront des preuves à votre obligation de reclassement.
  • La cour européenne des droits de l'homme a tranché sur l'affaire Ebrahimian : CEDH du 20 octobre 2015 : une assistante sociale travaillant en service de psychiatrie dans un centre de soins hospitaliers se voit refuser le renouvellement de son CDD sous le motif qu'elle refuse d'enlever sa coiffe (accessoire remplaçant le voile islamique et emblème de ses convictions religieuses) alors que son employeur estime que cela met mal à l'aise plusieurs patients. La cour européenne a confirmé la loi française qui exige laïcité et neutralité dans tous les services publics ou assimilés.
  • Le donneur d'ordre, dans un contrat de sous-traitance, n'engage sa solidarité financière que s'il y a travail dissimulé : cassation civile du 26 novembre 2015 n° 14-23851 : il faut qu'il existe un procès-verbal pour délit de travail dissimulé pour que l'Urssaf puisse appliquer les règles en vigueur depuis le 1er avril 2015 sur les contrats de sous-traitance d'un montant égal ou supérieur à 5000 € hors taxes et intégrer dans l'assiette du redressement le montant des prestations du contrat incriminé.
  • Utiliser d'anciens salariés devenus auto-entrepreneurs en sous-traitance peut être du travail dissimulé : cassation criminelle du 15 décembre 2015 n° 14-85638 : il suffit que les conditions d'exécution du travail soient identiques aux précédentes quand ils étaient salariés pour que le lien de subordination reste présent.

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