Qu'est-ce que le "relais-prévoyance" ?

  • Posté par Hélène le 22 December 2015
Imprimer cet article
médicaments-pixabay

Comment faire pour ne pas se faire "aligner" comme vient d'en faire les frais une entreprise du secteur de l'automobile ce printemps (cassation civile du 12 mars 2015 n° 14-13108) ?

Un de mes derniers articles traitait du complément de salaire par l'employeur en cas de maladie ou d'accident, professionnel ou non. Les obligations de l'employeur ne s'arrêtent pas là dès lors que l'entreprise a souscrit un contrat de prévoyance, souvent imposé par la convention collective.
Au minimum, le contrat de prévoyance garantit le décès du salarié, mais fréquemment s'y ajoutent des garanties d'invalidité et d'inaptitude temporaire.

Un peu d'éclaircissement entre ces deux notions :

  • garantie d'invalidité : votre salarié vient d'être déclaré invalide par la sécurité sociale ou bien se trouve dans une situation d'inaptitude définitive. Si vous romptez le contrat par un licenciement pour inaptitude, la prestation de cette garantie continue à être versée au salarié par votre organisme de prévoyance ;
  • garantie d'inaptitude temporaire : suite à une maladie ou un accident, professionnel ou non, la prévoyance prend en charge le complément de salaire du salarié après un délai de carence d'au minimum 30 jours (la plupart du temps, en continu), mais qui peut aller jusqu'à 90 jours (parfois calculée en discontinu sur une même année civile). Ces jours s'entendent toujours en calendaires.

 

C'est là que se trouve le point précis de bascule entre l'obligation de maintien de salaire par l'employeur issue de la loi de mensualisation et le relais-prévoyance.

Qu'entend-t-on par relais-prévoyance ?

Comme la difficulté se situe tant que le salarié n'est pas déclaré en inaptitude par la sécurité sociale, je ne traiterai pas ce dernier cas de figure pour ne pas complexifier davantage mon explication.

Prenons un exemple, le cas de cassation civile du 12 mars 2015 mettant aux prises l'Urssaf de l'Île de France et la société Réagroupe NSN France :
L'entreprise relève de la convention collective du commerce et de la réparation de l'automobile.
L'article 1.26 de cette convention collective impose un régime de prévoyance qui garantit un complément de salaire pour "incapacité totale ou temporaire" après un délai de carence, en continu ou en discontinu sur une même année civile. Cette prestation est versée, à compter du 46e jour d'arrêt de travail (91e jour pour les cadres) jusqu'au 180e jour inclus, directement au salarié.
Au-delà du 180e jour, une prestation pour "maladie de longue durée" est versée à l'entreprise, à charge pour elle de reverser cette prestation sous forme de complément de salaire soumis à cotisations jusqu'à la reprise du travail, la mise en invalidité par la sécurité sociale ou le départ à la retraite du salarié, sinon jusqu'au 1095e jour au maximum.

Concrètement : un ouvrier carrossier a un arrêt maladie de 5 semaines du 06/10/14 au 09/11/14, soit 35 jours. C'est son premier arrêt de travail pour l'année civile de 2015. Son employeur va lui verser un complément de salaire correspondant à 32 jours d'indemnisation (35 - 3 jours de carence). Ce même salarié retombe malade pour 8 semaines du 24/11/14 au 11/01/15, soit 48 jours. L'employeur maintien encore le salaire pour 7 jours (45 - 35 - les 3 jours de carence) et fait une déclaration à l'institution de prévoyance qui indemnise directement le salarié pour 28 jours (du 04/12/14 au 31/12/14). Du 01/01/15 au 11/01/15, c'est l'obligation de complément de salaire par l'employeur qui recommence à s'appliquer, soit 11 jours à indemniser. Ce même salarié a un nouvel arrêt maladie du 06/04/15 au 25/10/15. L'employeur doit assurer le maintien de salaire jusqu'au 09/05/15 ( 45 - 11 - les 3 jours de carence) et faire une déclaration à l'institution de prévoyance qui va indemniser directement le salarié du 10/05/15 au 21/09/15 (180 - 45) et verser une indemnité au titre de la garantie longue maladie à l'entreprise pour 35 jours, à charge pour celle-ci de reverser cette indemnité, soumise à cotisations, à son salarié.

Au niveau du bulletin de salaire :

  • la cotisation de garantie d'incapacité totale ou temporaire (du 46e au 180e jour) est en totalité en part salariale ;
  • la cotisation de garantie pour maladie de longue durée (à compter du 181e jour) : 1/4 à la charge du salarié, 3/4 à la charge de l'employeur ;
  • les montants des cotisations patronales sont soumis à CSG/RDS ainsi qu'au forfait social à 8 si l'entreprise compte au moins 10 salariés ;
  • dans le cadre de l'obligation de complément de salaire par l'employeur, du 1er au 45e jour d'arrêt de travail (maladie ou accident de travail), ce complément de salaire est soumis en totalité aux cotisations au même titre qu'une prime quelconque ;
  • dans le cadre de la garantie d'incapacité totale ou temporaire du 46e au 180e jour, l'entreprise est dégagée de tout versement (sauf si elle a opté pour la subrogation des IJSS) ;
  • l'indemnisation au titre de la maladie de longue durée, au-delà du 180e jour, doit être versée en tant qu'indemnité provisoire et entre dans le brut soumis à cotisations pour un montant au prorata du taux de cotisations patronales relatif à cette garantie (dans le cas présent : 3/4 de l'indemnisation). Cette partie de l'indemnisation soumise à cotisations est à exclure de l'assiette de prévoyance.
  • L'autre partie est exclue des cotisations tout en restant imposable. Quand l'entreprise perçoit les prestations de l'institution de prévoyance (en général en net hors IJSS, calculées par jour calendaire et souvent appelées IJ prévoyance), elle effectue une régularisation complémentaire.
     

En conclusion :
Dans le domaine du social, l'attention aux détails est de rigueur. Dans le cas d'espèce jugé par la cour de cassation le 12 mars 2015, l'entreprise avait confondu "organisme assureur" et "organisme de prévoyance", et avait cru que la garantie d'incapacité totale et temporaire souscrite se substituait à l'obligation de complément de salaire par l'employeur. Elle n'avait donc pas soumis à CSG/RDS ni au forfait social à 8% les cotisations correspondantes.
Sa bonne foi n'a pas suffi à lui éviter un redressement d'Urssaf de 1146 € + 818 € de majorations de retard + 1500 € de condamnation selon l'article 700 du code de procédure civile.

Ajouter un commentaire

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.