Jurisprudence sociale du 2e trimestre 2016.

  • Posté par Hélène le 17 July 2016
Imprimer cet article
Polyptyque du jugement dernier, Roger van der Weyden

Règles sur le contrat de travail :

  • Interdiction absolue de faire travailler à temps complet un salarié à temps partiel : quel que soit le motif de l'avenant de modification provisoire, un salarié embauché à temps partiel ne peut jamais travailler 35 heures sur une semaine civile, même une seule fois. Sinon, c'est la requalification du contrat à temps complet d'office. Arrêt de cassation du 31 mars 2016 n° 14-17323.
  • Un avis médical d'inaptitude partielle est un avis d'aptitude au poste avec adaptation de celui-ci : un avis médical est toujours établi en fonction de l'état de santé à l'instant "T". C'est donc toujours le dernier avis qui prime. Tant que le médecin du travail n'établit pas un avis d'inaptitude au poste, la procédure de recherche de reclassement puis de licenciement pour inaptitude si cette recherche échoue, n'est pas déclenchée. Dans le cadre d'inaptitude partielle, le salarié, s'il refuse le poste aménagé qui a été reconnu adapté à son état de santé par le médecin du travail, se met dans son tort. Arrêt de cassation du 13 avril 2016 n° 15-10400.
  • Ne pas fournir du travail justifie une prise d'acte aux torts de l'employeur : en l'espèce, l'employeur, suite au refus d'une modification de son contrat de travail par le salarié, ne lui avait plus fourni de tâches à accomplir ni versé de salaire. S'il avait continué à le rémunérer sans contrepartie, peut-être que les juges n'auraient pas conclu à un manquement de l'employeur. Arrêt de cassation du 15 avril 2016 n° 15-11041.
  • Remise du contrat au salarié en CDD dans les 48 heures suivant l'embauche : cette obligation est applicable également aux employeurs utilisant le service TESE pour l'établissement de leurs contrats de travail sous la forme d'un certificat d'enregistrement servant à la foi de DPAE (déclaration préalable à l'embauche) et de contrat de travail. Arrêt de cassation du 3 mai 2016 n° 14-29317.
  • Le recours abusif à des contrats intérimaires relève de la cour criminelle : 10 000€ d'amende car l'entreprise avait recouru abusivement à l'intérim au motif d'un accroissement temporaire d'activité (notion "fourre-tout" qui ne justifie rien). Arrêt de cassation du 10 mai 2016 n° 14-85318.
  • Le transfert du contrat de travail n'est jamais une rupture conventionnelle de CDI entre le salarié et l'ancien employeur : même dans le cadre d'une convention tripartite entre le salarié, le précédent et le nouvel employeurs, les règles relatives à la rupture conventionnelle d'un CDI ne s'appliquent pas quand il s'agit d'employeurs successifs car ces règles existent pour sécuriser la perte définitive de l'emploi. Arrêt de cassation du 8 juin 2016 n° 15-17555.

 

Règles sur les éléments de salaire :

  • Payer les heures supplémentaires en tout ou partie sous forme de primes correspond à du travail dissimulé : avant de rejeter l'accusation de travail dissimulé sous prétexte qu'aucune preuve de caractère intentionnel de la part de l'employeur n'était apportée, la cour d'appel d'Aix-en-Provence aurait dû s'assurer que les primes versées sur les bulletins de salaire de ce salarié n'étaient pas en fait tout ou partie de ces heures supplémentaires absentes. Arrêt de cassation du 23 mars 2016 n° 14-21772.
  • Un entretien en dehors des heures de service est licite : il suffit que le temps passé à cet entretien soit rémunéré. Arrêt de cassation du 7 avril 2016 n° 14-21769.
  • Négocier au cas par cas les remboursements de frais professionnels, même au titre d'avantages antérieurs acquis, n'est pas conforme au principe "à travail égal, salaire égal" : en l'espèce, l'employeur, qui n'était pas lié par un accord d'entreprise et qui n'avait pas établi de décision unilatérale à ce sujet, n'a pas pu apporter la preuve d'éléments objectifs justifiant la prise en charge des frais kilométriques du domicile/lieu de travail quand le salarié est contraint d'utiliser son propre véhicule (soit absence de transports en commun, soit horaire atypique). Arrêt de cassation du 16 avril 2016 n° 15-10272.
  • Le travail habituel le dimanche n'implique pas forcément une contrepartie financière : il faut que la CCN le prévoit ou un accord collectif ou encore une décision unilatérale de l'employeur. Même chose pour le travail d'un jour férié sauf pour le 1er mai. Arrêt de cassation du 11 mai 2016 n° 14-20826.
  • L'employeur doit payer au préalable les heures avant d'en contester la pertinence : un mandaté syndical avait utilisé ses heures de délégation en dehors de son horaire de travail et ces heures devaient donc être majorées au titre des heures supplémentaires. Tant que la limite du crédit d'heures est respectée, l'employeur doit les rémunérer à l'échéance normale de la paie en vertu de la présomption de bonne utilisation. Ensuite, il pourra contester les nécessités du mandat ayant amené le délégué à effectuer ces heures en dehors de l'horaire habituel de travail. Arrêt de cassation du 19 mai 2016 n° 14-26967.
  • Le temps passé pour le transfert des consignes est différent du temps qui correspond à l'habillage et au déshabillage : l'article L. 3121-3 du code du travail impose une compensation en repos ou financière du temps d'habillage et de déshabillage. En effet, ce temps est rémunéré mais n'entre pas dans le décompte du temps de travail effectif ou assimilé. Utiliser ce temps pour d'autres tâches est contraire à la loi, que cet abus soit le fait du salarié ou de l'employeur. Arrêt de cassation du 25 mai 2016 n° 14-22242.
  • Confirmation du principe de la licéité d'avantages catégoriels : dès lors qu'ils relèvent d'une négociation collective (accord d'entreprise ou CCN signé par des organisations syndicales représentatives) des différences de traitement sont conformes. La cour de cassation confirme ici, en affirmant que des primes de frais de logement ou des indemnités de rupture peuvent être différentes entre cadres et non cadres, sa nouvelle vision du problème dégagée lors des 3 arrêts du 27 janvier 2015. Arrêts de cassation du 8 juin 2016 n° 14-19097 et n° 15-11324.

 

Règles sur la rupture du contrat :

  • Rupture pour absence maladie prolongée perturbant le fonctionnement de l'entreprise : l'employeur doit apporter la preuve, et de la perturbation occasionnée, et de l'embauche en CDI sans délai sur le poste libéré. Invoquer des difficultés de recrutement n'est pas un argument suffisant pour éviter la requalification sans cause sérieuse du licenciement. Arrêt de cassation du 31 mars 2016 n° 14-21682.
  • La remise tardive des documents de sortie n'est pas fautive en soi : les documents à remettre au salarié lors de sa sortie de l'entreprise sont quérables (à disposition) et non portables (à faire parvenir). C'est au salarié d'apporter la preuve du préjudice subi par le fait de leur remise tardive. L'employeur a rempli son obligation dès lors qu'il a mis toute diligence à établir les documents de sortie et qu'il a informé le salarié que ceux-ci étaient à sa disposition. Arrêt de cassation du 13 avril 2016 n° 14-28293.
  • Une rupture de période d'essai pour insuffisance professionnelle est licite : même si l'employeur n'a pas à motiver sa décision de rompre une période d'essai, il doit pouvoir avancer des faits et preuves concrets si son salarié conteste sa décision. Arrêt de cassation du 15 avril 2016 n° 14-22128.
  • L'avis des IRP n'est obligatoire qu'en cas de licenciements économiques collectifs : un seul licenciement économique sur une période de 30 jours, suite au refus du salarié d'une modification de son contrat de travail, ne permet pas à ce salarié d'invoquer l'absence irrégulière d'élection des délégués du personnel pour avoir droit aux dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement. Arrêt de cassation du 19 mai 2016 n° 14-10251.
  • Renonciation d'une clause de non concurrence au moment de la rupture : même si elle était illicite car sans précision de contrepartie financière, dès lors qu'elle est annulée par l'employeur au moment de la sortie du salarié, celui-ci ne peut pas l'invoquer devant les prud'hommes puisqu'il ne peut avancer qu'il en a subi un préjudice. Arrêt de cassation du 25 mai 2016 n° 14-20578.

 

Confirmation de jurisprudence :

N'indiquer que la nature de la procédure disciplinaire envisagée sur la lettre de convocation à l'entretien reste valable : la cour d'appel de Paris avait tenu compte de l'argumentaire du plaidant (l'article 7 de la convention n° 158 de l'Organisation Internationale du Travail impose le détail des griefs d'une rupture dès le courrier de convocation pour permettre au salarié de préparer sa défense). Non, a dit le juge de la cour de cassation car, d'après lui, le salarié n'a pas de défense à constituer à ce stade. Arrêt de cassation du 6 avril 2016 n° 14-23198.

 

Décision de tribunal administratif à suivre :

Véritable épée de Damoclès au-dessus des employeurs français : une salariée a mis en demeure l'état français pour non conformité avec la directive européenne 2003/88 du 4 novembre 2003 et elle a eu gain de cause alors qu'elle aurait perdu face au tribunal des prud'hommes. Cette salariée estimait, conformément à la directive sus-nommée, avoir droit à ses 4 semaines de congés payés même si elle avait été en maladie du 2 avril au 31 octobre 2014. Pour la période d'acquisition de ses congés payés du 1er juin 2014 au 31 mai 2015, elle ne pouvait prétendre à ses 4 semaines de congé principal selon le code du travail français en raison de 5 mois d'absence maladie sur cette période. C'est l'état français qui va devoir lui payer les congés payés que n'a pas indemnisés l'employeur lors de son licenciement. Décision du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 6 avril 2016 n° 1500608.

Pour mémoire : une directive européenne ne s'impose pas entre deux particuliers ( le salarié et un employeur, par exemple). Un état doit être partie prenante au litige. Début 2012, une cour de cassation française avait questionné la cour de justice européenne sur une affaire concernant une salariée qui avait été malade plus d'un an et pour qui l'employeur contestait l'ouverture de droit à congé sous prétexte qu'elle n'avait pas travaillé durant 10 jours au minimum durant la période d'acquisition des congés. La cour européenne a jugé que le droit à congé s'ouvrait dès la première heure de travail effectif et la cour de cassation, le 3 juillet 2012, a tranché aux torts de l'employeur. Depuis cette date, les 10 jours minimum de travail effectif pour avoir droit à des congés payés pour un CDI ne s'applique plus.
Jusqu'à présent, le code du travail n'assimile pas la maladie à du travail effectif pour l'acquisition de congés payés. La jurisprudence a chaque fois rejeté les prétentions des salariés à des droits à congés payés durant leur période de maladie non professionnelle. Mais les litiges ne concernaient qu'une entreprise et son ancien salarié.
Le fait de présenter l'affaire devant le tribunal administratif qui a condamné l'état français pour défaut de transposition de la directive en droit interne risque d'avoir un impact sur la jurisprudence à venir.

 

Autres décisions de justice à connaître :

  • Formalisme des demandes de congés parental : le salarié est en absence injustifiée, donc passible d'un licenciement disciplinaire pour faute grave, quand il ne justifie pas d'une demande de prolongation de ce congé auprès de son employeur. La preuve de cette demande s'établit par courrier en recommandé avec AR au moins un mois avant la fin de la période de congé parental que le salarié souhaite reconduire. Arrêt de cassation du 3 mai 2016 n° 14-29190.
  • L'entretien d'une tenue de travail imposée par le règlement intérieur ou la CCN doit être assuré par l'employeur : la tenue de travail ne doit pas être confondue avec l'exigence d'une "tenue correcte". Dans le cas présent, un facteur de La Poste a échangé une carte professionnelle et l'obligation d'une tenue correcte au port de l'uniforme qui était de rigueur dans le passé. La Poste n'a pas à assurer l'entretien d'une tenue en sa faveur. Arrêt de cassation du 3 mai 2016 n° 15-12549.
  • Adhérer de manière volontaire à une CCN non obligatoire n'engage pas l'employeur vis à vis des avenants signés ultérieurement à la date d'adhésion : L'application des avenants ultérieurs reste à sa libre discrétion. Arrêt de cassation du 11 mai 2016 n° 15-10925.

Ajouter un commentaire

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Sur le même thème...

1) actualité sociale : Réglementation durcie sur la géolocalisation :

1) Actualité sociale :